Il y a de la mélancolie. Il y a de l’urbain. Il y a de la pluie et des rues graisseuses. Des gouttes sur la vitre. Du vent dans les palmiers. De la laine mouillée sur une peau fragile. Il y a quelque chose de très lié à la culture rock et au blues dans les photographies d’Aurèle Andrew Benmejdoub. Certes, ce sentiment d’inachèvement, de recherche, y est pour quelque chose. Le road movie se raconte cliché après cliché. On tâtonne avec le photographe en quête de lumière, de plaisirs, de refuge. Il ne nous conduit pas, il ne se le permettrait pas. Peut-être nous pousse-t-il un peu, une suggestion d’un geste, d’un regard clair : allons par là. Lui-même ne sait pas vraiment où ça se passe, où se trouve ce qu’il cherche. Lui-même n’est pas certain du chemin à emprunter, de la route à suivre. Mais il y va, tous objectifs déployés, et d’un cliché à l’autre nous fait partager ses doutes et ses trouvailles, ses trésors et ses misères.

Mais de rock’n blues, il y a ce grain particulier qui râpe ses tirages, ce noir et blanc amer, ce contraste tout en rythmes lents et sourds. C’est avec la matière de son image qu’il nous invite à partager son univers. On y entend les Stones, il y plane une épaisse fumée de cigarette, les verres tintent, le cuir crisse sous les muscles qui s’étirent, sans doute s’étreignent-ils aussi. On est en ville, en nuit, en attente, le regard planté dans l’être là, car nulle part ailleurs est possible.


On est un peu moins seul, à contempler ces images-là.

(Texte écrit pour l’exposition Enracinerrance d’Aurèle Andrew Benmejdoub, Galerie Loft, Tanger printemps 2015)